Les origines
Les enseignants se sont mis en grève trois fois cette année
pour dénoncer le fait que l’éducation n’est plus
une priorité du gouvernement, que 20.000 aides éducateurs
et 6.500 maîtres d’internat et surveillants d’externat
vont être licenciés en juin et que la création de 16.000
assistants d’éducation ne va pas les remplacer, etc. Le statut
de ces assistants est tellement précaire que le Conseil Supérieur
de l’Education a voté à 50 voix contre et 1 pour ! Ce
qui n’a pas empêché depuis son adoption à l’Assemblée
nationale.
Bref, le 18 mars 2003, la FSU et l’ensemble des fédérations
de l’éducation ont appelé pour la troisième fois
à la grève malgré une certaine désaffection
dans la profession pour ce mot d’ordre. Pourtant, dans les Bouches
du Rhône, cette journée se confondait avec la venue annoncée
de Fillon à Marseille. Elle a provoqué une grande manifestation
sur les retraites (CGT, FO, CFDT, FSU, UNSA, etc.) où se mêlaient
les revendications pour l’éducation. La manifestation de Marseille
et la grève dans les écoles ont été ce jour-là
parmi les plus massives du pays.
Les collèges des quartiers difficiles, tels Barnier et La Belle de
Mai, avec une vingtaine d’autres s’étaient mobilisés
depuis début mars sur des questions de dotations horaires ou encore
de violences. A la suite du 18 mars, deux écoles dans les quartiers
Nord et dans le Centre de Marseille reconduisaient la grève et l’étendaient.
Le 1er avril, sur Marseille, 78 écoles étaient touchées
et 418 collègues en grève reconductible.
Les problèmes
Les écoles les plus en pointe sont représentées par
des collègues qui débutent dans le métier. Ces écoles
sont sinistrées. Par exemple, pour 300 élèves : 3 WC
en état, une cour de 300 m2 (d’où 3 récréations
par demi journée), des locaux vétustes, le départ d’aides
éducateurs, des primo arrivants mis dans les classes sans soutien,
etc. Cela fait des années que les syndicats, dont le SNU, font des
démarches auprès de la mairie, en vain. Dans ces quartiers,
25 ouvertures de classes programmées par l’Académie
ne peuvent l’être faute de locaux. La solution n’est pas
encore pour demain mais, au moins, la mobilisation est à la hauteur
des besoins.
Là-dessus la plate forme des précédentes grèves
est ressortie, ou plutôt repensée par les grévistes
qui s’aperçoivent que Darcos ne veut plus accueillir les enfants
de deux ans, qu’il entend resserrer les horaires dans les lycées,
qu’il dit tout haut que la décentralisation des personnels
de l’Education nationale va permettre de privatiser leurs fonctions.
C’est ce qui fait que les assistantes sociales, les médecins
scolaires, les conseillers d’orientations, les psychologues et le
personnel ouvrier et technique sont mobilisés contre la décentralisation.
La Protection Judiciaire de la Jeunesse qui se refuse de faire de «
l’éducation » dans les centres fermés s’agite
aussi un maximum. Là-dessus le Conseil d’Etat, le 20 mars,
pond un rapport qui propose la privatisation de l’emploi public (
voir sur www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices
) par la remise en cause du recrutement de fonctionnaires sur concours,
par la mise en place de l’individualisation de la carrière,
la création du « contrat d’affectation sur emploi »
et la suppression de la valorisation des retraites en fonction du corps
d’origine, etc. Enfin, la réforme des Instituts Universitaires
de Formation des Maîtres fait qu’il y aura une diminution du
nombres de formateurs pour un plus grand nombre de personnels en formation
initiale ( bien que le nombre de postes mis au concours ne compense pas
le nombre de départs à la retraite). Les Professeurs d’Ecole
en formation resteront plus longtemps sur le terrain et auront moins de
retour à l’IUFM, voilà tout et cela permettra de boucher
des trous dans les classes.
L’école bouge donc dans toutes ses composantes.
Pendant ce temps, le gouvernement affiche la volonté de ne remplacer
(en 2004 ?) que la moitié des fonctionnaires partant à la
retraite, soient une diminution de 30.000 sur une année pour arriver,
à terme, à une baisse de 25 % du nombre des fonctionnaires.
La Cour des comptes, le 2 avril, juge l’éducation en sureffectifs
de 16.000 postes et souhaite que les profs soient bivalents. Enfin, pour
les retraites, la baisse des pensions devrait être de l’ordre
de 20% d’ici à 2008 avec une augmentation des cotisations de
2,5 %, avant de nouvelles régressions prévues à ce
moment là.
Le 3 avril, la mobilisation sur les retraites a, en conséquence,
été plus forte que jamais (plus de 80 % de grévistes)
avec une proportion remarquée dans la manifestation d’enseignants
qui étaient en lutte depuis une semaine ou quinze jours.
Il faut noter une maturation très rapide des collègues en
lutte. Alors qu’ils ne voulaient pas entendre parler des retraites
dans les premiers jours par crainte d’être marginalisés
sur leurs revendications, la globalité des attaques libérales
leur est apparue de plus en plus évidente.
Le mouvement se structure donc d’une part pour obtenir de la ville
de Marseille un plan d’urgence pour les écoles en grandes difficultés,
d’autre part pour lutter contre la privatisation de l’Education,
la casse des services publics et la remise en cause des statuts des fonctionnaires
et, enfin, pour refuser le plan sur les retraites.
Les acteurs
Une coordination qui fonctionne exclusivement en Assemblées Générales
s’est mise en place. Dans ces assemblées tous les syndicats
interviennent et sont écoutés (malgré quelques couacs).
Les syndicats majoritaires comme le SNU et le SNES organisent aussi des
AG dans lesquelles tout le monde s’exprime. Les appels à des
actions de manifestations, devant l’IA ou la mairie, sont reprises
par tous. Dans les délégations les différentes composantes
sont représentées (syndicats, coordination, écoles
concernées).
Il faut noter que le SNU national a appelé la FSU à préparer
une grève reconductible la plus large possible sur les retraites
avant le mois de mai et que le SNU 13, comme les autres syndicats, a soutenu
et participé dès le départ au mouvement et qu’il
a appelé ses militants à faire voter la grève reconductible
dans les AG.
Le 7 avril, dans les Bouches du Rhône, une intersyndicale de l’éducation
comprenant les syndicats de la FSU, de FO, de la CGT, du SE-Unsa, du SGEN-CFDT,
de la CNT, de SUD éducation doit discuter des suites. Il était
impensable il y a seulement 15 jours de mettre tous ces gens là autour
d’une table !
Le 8 avril, le SNU, le SNES, le SNEP et le SGEN appellent à la grève
et à une manifestation à 10 h devant l’IA.
Au niveau national, les fédérations de l’éducation
doivent se rencontrer le 7 et les confédérations le 10 avril.
La question est maintenant posée à ces niveaux.
Le mouvement qui s’est constitué spontanément ici n’est
pas unique. Les Pyrénées Atlantiques, les Landes, la Gironde,
Poitiers, Le Havre, l’académie de Créteil et d’autres
ont connu des mouvements comparables.
La période des vacances scolaires qui a débuté à
Paris et Bordeaux va nous toucher le 12 avril. Il existe une volonté
extrêmement forte pour faire du 1er mai le nouveau point de départ
d’un mouvement qui porte beaucoup d’espoirs dans sa généralisation,
dans l’éducation et au-delà. Les collègues en
luttes sont conscients de la nécessité de mener une lutte
au finish sur les retraites et les services publics et j’ose espérer
que cette idée commence à faire son chemin dans l’opinion
et au sein des directions syndicales.
Michel Bonnard, le 06-04-03.