BP 100 - 13673 AUBAGNE CEDEX

BALLON ROUGE

En préparant les jours meilleurs

CONTRAT LOCAL DE SECURITE

Intervention de Jean-Paul Mignon au Conseil Municipal d’Aubagne du 2/02/2000, au nom des élus de " Ballon Rouge "

Par cette délibération, il s'agit d'autoriser monsieur le maire, à signer le Contrat Local de Sécurité. Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt le document joint aux délibérations. Prises individuellement, un certain nombre de "fiches action" sont porteuses d'idées intéressantes. Elles concernent la prévention et n'ont d'ailleurs pas attendu le Contrat Local de Sécurité pour être mises en oeuvre. Elles sont le reflet du travail de qualité que peuvent engager les services municipaux et les partenaires du territoire. Mais le Contrat Local de Sécurité ne se réduit pas aux bonnes intentions de certains acteurs locaux, on y retrouve aussi tous les ingrédients d'un dispositif relevant du Ministère de l'Intérieur. Il nous arrive dans le contexte particulier de la crise sociale, et il nous semble important d'y regarder de plus près.

L'ampleur de la mesure pourrait nous faire penser qu'il y a péril en la demeure, mais la lecture du diagnostic réalisé à Aubagne nous indique exactement le contraire. Non seulement, nous ne constatons pas une flambée importante d’actes délictueux, mais nous assistons à leur diminution constante depuis 7 ans. Mieux, l'ensemble des institutions qui se sont exprimées sur la situation locale semblent contredire votre démarche (P13).

Puisque les faits ne sont pas là pour justifier un changement de politique, on invoque une formule à la mode: "le sentiment d'insécurité". Il y a quelques années, il était ainsi à la mode, et pas seulement à droite, de parler de "seuil de tolérance aux étrangers". Chacun sait maintenant les dégâts causés par l'idéologie qui se cachait derrière cette formule.

Nous devons donc délibérer aujourd'hui sur un Contrat Local de Sécurité qui va mobiliser des moyens importants pour faire face à un sentiment d'insécurité qui serait partagé par 23% d'un échantillon de nos concitoyens, et même seulement 7%, si on considère qu'il y a eu 1309 questionnaires distribués. (On peut d’ailleurs souligner le très faible taux de réponses par rapport au nombre de questionnaires envoyés.)

Certains pourraient penser que nous nous trouvons là face à une initiative innovante, et comme on nous dit que l'architecture du Contrat est préventive, l'honneur serait sauf et les valeurs de gauche respectées. Seulement, lorsqu'on analyse la nature du dispositif, on s'aperçoit que c'est bien la dimension répressive qui, à terme, est déterminante. Pire, ce sont des pans entiers de l'action sociale et socio-éducative qui glissent progressivement sous le contrôle de la police. C'est un choix de société qui se dessine à travers ce type de dispositif, pas une invention aubagnaise, ni même une invention nationale, mais la mise en oeuvre progressive d'une politique de contrôle social qui a été testée de puis quelques décennies aux USA. Elle a gagné les pays anglo-saxons et notamment l'Angleterre de Thatcher et de Blair, avant de fasciner certains conseillers du gouvernement de la gauche plurielle.

Le préambule de la délibération nous amène à faire une petite mise au point: "Considérant que la sécurité est l'un des domaines, avec l'emploi où l'écart entre les attentes légitimes des citoyens et l'action publique est le plus fort."

Le parallèle entre la question de l'emploi et celui de la sécurité est tout à fait pertinent, mais pas du tout dans le sens du texte. Ce n'est pas un hasard, si dans les pays industrialisés qui connaissent les plus fortes dérégulations de leur marché du travail, on constate les plus fortes hausses d'une population pénitentiaire, de plus en plus jeune, parmi laquelle prédominent chômeurs, précaires et étrangers.. Le mouvement général que connaissent les sociétés occidentales est on ne peut plus inquiétant: les Etats pratiquent la doctrine du laisser-faire au niveau des mécanismes économiques qui produisent les inégalités sociales, ils réduisent leur rôle social et ils développent leur intervention pénale.

On nous dit que la sécurité est l'un des droits fondamentaux du citoyen, nous sommes d'accord. Mais il faut dire aussi que le premier facteur d'insécurité, c'est l'injustice sociale. Et aujourd'hui, les populations les plus fragilisées sont sous le coup d'une double peine: d'un côté pauvreté et précarité et de l'autre, répression.

Nous voici donc confrontés à une banale et sordide application de la pensée unique mondialisée.

Les Contrats Locaux de Sécurité ont été initiés par Monsieur Jean-Pierre Chevènement, un ministre dont nous avons pu mesurer le caractère progressiste à travers la question des étrangers mis en situation irrégulière.

Quand on sait que l'essentiel du coût de la criminalité est dû à la délinquance financière, on aurait pu espérer que le gouvernement de la gauche plurielle mette plus d'ardeur à s'occuper de la délinquance des gens de pouvoir, de la corruption, de la prévarication, de la fraude fiscale, du blanchiment d'argent sale et autres fraudes électorales. Mais ce n'est pas l'objet. Aux yeux du pouvoir, ce sont les classes qui ne peuvent parfois même plus être laborieuses qui restent potentiellement dangereuses.

Dans une période où l'on braque facilement les projecteurs sur les questions de violence. On continue à constater le désengagement de l'Etat, au niveau des politiques d'action sociale, du logement et de l'action éducative. Ce sont ces choix là qui pèsent sur les collectivités territoriales. Et on ne peut pas laisser croire que les municipalités sont en mesure d'utiliser les moyens du ministère de l'intérieur pour conduire leurs orientations. C'est le ministère de l'intérieur qui prend l'initiative et qui conduit sa politique de contrôle social.

Au cours du Conseil Municipal du 29 septembre 99, il y a eu un premier débat sur le CLS où mon camarade Yves Vandrame a abordé un certain nombre de questions de fond. Daniel Fontaine lui a répondu "qu'il ne faut pas chaque fois opposer situation nationale à politique locale parce que c'est un petit peu compliqué". Nous avons pris bonne note, or il se trouve que sur ce sujet, justement il ne s'agit pas d'opposer situation nationale et politique locale car il y a une parfaite cohérence, et ce n'est pas compliqué du tout. Je vais donc revenir à la situation locale.

L'allocution de Monsieur le Maire à la cérémonie des voeux du 7 janvier 2000 est assez instructive. Qu'apprenons-nous de la situation sociale locale ? "Que notre taux de chômage se situe 5 points sous le niveau départemental grâce à une baisse de 11% du nombre des demandeurs d'emplois". Comme nous l'avons écrit par ailleurs, personne ne songerait à se plaindre de la baisse du chômage. Mais ne devons-nous prendre aucun recul sur la réalité de ces chiffres? Décrivent-ils la situation sociale réelle de notre commune? Ici comme ailleurs, les employeurs privés et publics recourent de plus en plus à l'interim, aux temps partiels non choisis, aux contrats à durée déterminée, aux emplois précaires, et la baisse relative du chômage s'accompagne du développement de la pauvreté et de la précarité. Vous êtes bien discrets sur cette question !

Quand Monsieur le Maire parle "des déchirures difficiles à guérir: celles qui provoquent dans le tissu social, l'absence d'emploi et de formation, l'absence de perspectives. Jusqu'à compromettre parfois dans certains quartiers le sens de la vie en communauté!" Alors là, nous avons enfin un constat social que nous pouvons partager. Mais c'est pour ajouter aussitôt: "La coopération qui se développe depuis plusieurs mois entre la ville et les services de police et de gendarmerie va prendre une nouvelle dimension partenariale avec la mise en place du Contrat Local de Sécurité." Nous abordons bien là le fond du problème. Si on fait un constat social, il faut apporter une réponse sociale. Or, vous faites un constat social et vous apportez une réponse policière!

Le CLS est l'expression de cette politique qui n'est pas une politique de gauche citoyenne et solidaire.

A la page 40 du document vous réclamez même l'intervention de la BAC, la célèbre Brigade Anti-Criminalité! En terme d'architecture préventive, on peut faire mieux.

Quelles sont les vraies innovations du CLS? 38 emplois jeunes , c'est à dire 18 adjoints de sécurité et 20 agents locaux de médiation. Des emplois jeunes pour faire de la médiation sociale. Et on nous présente cette médiation sociale comme une nouvelle mission ! C'est complètement faux, c'est une fonction identifiée depuis longtemps dans les champs de l'animation socio-culturelle et de l'éducation spécialisée. Une fois encore vous prenez le risque de déstructurer tout un secteur d’emplois existants, qualifiés et reconnus, y compris dans le cadre de conventions collectives.

La médiation sociale c'est de l'action sociale, or on apprend P54 et 55 du document, comme d'ailleurs sur le site internet du ministère de l'intérieur, que la police nationale doit participer à la formation des médiateurs sociaux. C'est une grande première dans la formation d'intervenants sociaux, que nous devrons aux partis de gauche. Le site du ministère précise même que des médiateurs sociaux constitueront l'interface sécurité entre les équipements comme les maisons de quartier et les forces de police. Encore une grande première dans les missions d'intervenants sociaux.

Il est écrit à propos des médiateurs sociaux : "c'est un professionnel qui intervient là où les autres travailleurs sociaux n'interviennent pas!" Et pourquoi donc n'interviennent-ils pas? Parce qu'il n'y en a pas:

Et vous invoquez un sentiment d'insécurité pour envoyer des emplois jeunes éteindre les incendies de la rancoeur sociale en collaboration avec la police!

C'est désolant! Les nouvelles perspectives professionnelles que vous offrez aux jeunes, c'est d'être moitié flic et moitié animateur, pour un SMIC!

Au delà de la violence que constitue l'insécurité sociale, nous ne nions pas le danger que représentent, pour les victimes comme pour les auteurs, des comportements qui se placent hors du jeu social. Mais nous continuons à considérer comme le Secours Populaire, que, je cite : "Les jeunes sont plus menacés par la délinquance que vous ne l'êtes par les délinquants!".

Vous nous proposez P53 des ateliers de veille civique, vous franchissez là encore des limites injustifiables en introduisant les problématiques sécuritaires comme porte d'entrée à une démarche participative sur les quartiers. Alors que vous vous êtes toujours refusés à mettre en oeuvre de véritables conseils de quartiers, chargés du développement social local, vous faites entrer la police au coeur de l'espace social. C'est un engrenage de délation, de contrôle sécuritaire et de réponses pénales que vous êtes en train de construire sur les quartiers. On ne dira d'ailleurs plus des quartiers, mais des îlots, pour bien marquer l'abandon d'une culture de développement social urbain au profit d'une culture répressive.

Les communes ont des possibilités d'action qui ne nécessitent pas ce type de dispositif. En 95 et 96, nous avions établi des contacts réguliers avec les jeunes du Centre Ville, y compris dans des réunions formalisées. Fallait-il un Contrat Local de Sécurité pour accompagner leurs initiatives, pour leur permettre d'avoir un espace d'expression, de confrontation, de dialogue avec les autres habitants. Vous n'avez pas voulu donner suite à cette démarche, et maintenant on compte sur des îlotiers pour régler le "problème" que constituerait leur simple présence sur l'espace publique.

La symbolique est à son comble quand P49, vous écrivez "Cette préoccupation en matière de sécurisation s'étendra à l'Espace du Bras d'Or (espace ludique et récréatif)". Là non plus, il n'y a pas de hasard, nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur le symbole que représente ce lieu ludique et récréatif que vous avez fait construire, sur un terrain municipal, à deux pas du lycée, et où les Assedic côtoient un Mac Donald.

La boucle est maintenant bouclée: CONSOMMATION, EXCLUSION, SECURISATION. C'est le nouveau modèle libéral, celui qui remplace le METRO BOULOT DODO, et c'est la gauche qui le met en place ici.

Dans le corps de la délibération, vous écrivez en guise de justification, que "la Ville d'Aubagne ne peut être éligible au Contrat de Ville." Nous avons là un argument opportuniste incroyable : Comme l'Etat n'aide pas à développer les moyens de l'intervention sociale, alors vous nous engagez dans une démarche sécuritaire! Heureusement que nous pouvons prétendre au CLS, sinon on se demande où s'arrêterait la dérive.

Il existe pourtant des alternatives à cette politique, et je voudrais en dire quelques mots:

Nous ne nous opposons certainement pas aux " fiches action " qui concernent l'accès aux droits, l'aide aux victimes et le développement d'une politique de prévention, dès lors que ces actions ne sont pas assujetties à un dispositif répressif. Il faudrait au contraire pouvoir étendre ces actions et les intégrer à un Contrat Local de Solidarité, la nuance est de taille.

Ce contrat concernerait l'ensemble des habitants, les élus, les acteurs locaux et associations qui ne se résignent pas face à un système dont l'exclusion est le corollaire de la compétitivité.

Il s'appuierait sur :

On pourrait:

Et enfin, il s'agirait de :

Il faut choisir entre politique solidaire et politique sécuritaire. Si l'Etat ne donne pas de moyens aujourd'hui aux collectivités pour faire face aux vrais problèmes, alors on pourrait se battre ensemble pour les obtenir plutôt que de céder aux sirènes de la pensée ultra-libérale.

Pour conclure, je vous propose quatre mots pour illustrer le dispositif que vous nous proposez:

Parce qu'ils sont de gauche, les élus de Ballon Rouge ne voteront pas cette délibération, et nous espérons que d’autres nous entendront. Et s’ils ne veulent pas entendre la voix de Ballon Rouge, peut-être entendront-ils celle de Jean-Claude Bouvier du Syndicat de la Magistrature lorsqu’il écrit, je cite : "Jean-Pierre Chevènement a préféré tiré un rideau  sur une réalité d’autant plus dérangeante qu’elle ne se contente pas de nous projeter dans la violence, toute aussi réelle et révoltante soit elle, de quelques individus, mais qu’elle nous renvoie aussi à la propre violence d’une organisation sociale et politique à bout de souffle, minée par la discrimination et les inégalités. "

 

"Réactions de la direction municipale :  morceaux choisis"

Conseil Municipal d'Aubagne du 2 février 2000

Débat sur le Contrat Local de Sécurité

Morceaux choisis de l'intervention de :
Daniel FONTAINE, 1er adjoint, PCF, membre de Futurs :

" Je crois qu'il y avait effectivement la volonté de la part de certains de vouloir réussir un coup politique, comme ils ne rassemblent pas, eux, autour de cérémonies de vœux, comme ils ne rassemblent pas tout court, cela les amène à se servir des tribunes municipales pour pallier leur insuffisance, pour essayer de désarçonner, d'atteindre ceux qui par le sérieux de leur travail montrent l'intérêt qu'ils ont de la ville, l'amour qu'ils portent à cette ville. Le comportement de ces gens là est au fond porteur d'insécurité. C'est un comportement inquiétant. C'est le comportement des extrêmes. (…)

Et les citoyens aubagnais, chers amis, travaillent à leur manière. Ce ne sont pas tous des BAC + 12, ils n'ont pas tous eu le temps de lire MARX, LENINE ou MAO TSE TOUNG, sauf qu'ils vivent, ils travaillent avec ce qu'ils vivent. Ils disent ce qu'ils vivent.(…) "

André SINET, adjoint à la sécurité :

" (…) Il y a une chose qui me gêne ce soir dans certains groupes, c'est d'avoir mis en doute l'honorabilité et la compétence d'un certain nombre de personnes. Il y avait 24 personnes, dont 10 femmes dans le groupe du C.C.P.D. qui a travaillé. Et aujourd'hui, vous les critiquez.

M. MIGNON, vous avez donc attaqué ces 24 personnes, et ces 24 personnes, je peux vous dire que ces 24 personnes sauront vous témoigner ce que vous venez de faire ce soir, parce que personnellement, et je m'engage, j'en rendrais compte à M. Le Préfet personnellement, aux gens avec qui je travaille tous les jours, avec qui nous sommes sur le terrain tous les jours tandis que vous vous vous pavanez dans la ville pour faire croire que vous travaillez, vous êtes malhonnête, et je suis malheureux de vous le dire. Et je n'apprécie plus du tout M. MIGNON ni ceux qui autour de M. MIGNON ce soir ont essayé de raconter n'importe quoi. Et je préfère encore la position d'autres personnes qui ont eu au moins la délicatesse d'être polie, d'être honnête et aussi peut-être de comprendre ce qu'on a voulu dire. Et ce que vous n'avez jamais rien compris, et vous l'avez prouvé en partant, et nous en sommes bien satisfaits que vous soyez partis, parce que nous sommes plus tranquilles que de vous avoir parce que vous êtes des moustiques qui piquent, mais que je ne préfère rien dire d'autres, mais je préfère vous dire M. MIGNON que votre intervention ce soir a été lamentable, et qu'en conséquence, M. MIGNON, je suis très content, très satisfait qu'on ne vous voit plus travailler avec nous. Parce que, nous, nous travaillons, nous nous nous réunissons, nous avons passé des heures et des heures, et je crois savoir que ce que diront M. Le Préfet, M. Le Procureur et les acteurs sociaux qui sont indiqués dans ce Contrat Local de Sécurité, ca nous satisfait largement. Et ce que vous dites ce soir, je vais vous dire, me renforce encore plus dans le sentiment que vraiment l'insécurité et l'incivisme, c'est vous qui l'avez et que c'est vous que nous allons combattre, et je vous donne ma parole d'honneur qu'on va vous combattre jusqu'au bout. "

 

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