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BALLON ROUGE

En préparant les jours meilleurs
Laïcité : chaud devant

La Constitution qualifie la France de « République laïque » qui « respecte toutes les croyances ».
Sur fond d’islamophobie et de remise en question de la laïcité, que signifie aujourd’hui la question du voile à l’école pour les hommes du gouvernement ?
Ce sont les mêmes qui proposent le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe qui, s’il a évité de justesse une référence directe à la chrétienté, s’inspire « des héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe » dans son préambule, en contradiction avec la Constitution française.
Déjà, en France, les manquements à la laïcité ne manquent pas. En effet, la loi de 1882 décrète l’école obligatoire et laïque et règle les relations entre enseignement public et religieux en instituant un jour de congé en dehors du dimanche. Elle interdit l’intervention de ministres d’une religion dans l’enseignement. Pourtant, en octobre 2002, à Clermont-Ferrand, l’Institut théologique d’Auvergne organise avec l’Institut de Formation des Maîtres un colloque sur l’enseignement des cultures religieuses. En novembre 2002, Luc Ferry propose comme par hasard Strasbourg comme académie pilote pour l’enseignement du fait religieux. Or, l’Alsace et la Moselle sont toujours sous le régime du Concordat de 1801 et imposent depuis l’enseignement religieux dans les écoles. Ailleurs, les aumôneries sont toujours présentes dans les établissements scolaires. Dans Le Monde du 17-01-03, Pierre Bédier et J F Copé estiment qu’il faut réformer la loi de séparation des églises et de l’Etat de 1905. Plus urgent, le 18 décembre 2002, 90 députés ont déposé une proposition de loi qui vise à faire financer les investissements immobiliers et les grosses réparations des établissements privés par les régions à hauteur de 50%. Ces propositions vont dans le sens de la révision de la loi Falloux de 1850 qui limite à 10% les subventions publiques aux établissements privés. Faut-il enfin rappeler le scandale de la visite coûteuse de M. Raffarin et de Mme Chirac à Rome pour la béatification de sœur Thérésa et toutes les manifestations publiques de représentants de la République dans des lieux de culte ?
A l’école, insidieusement, l’enseignement de l’histoire est dénaturé par l’introduction de l’enseignement du fait religieux. Renforcé à la suite du rapport Debray de juin 2003, ce dernier représente en 6° 20% du programme d’histoire. Cet enseignement, au vu des manuels scolaires, fait l’amalgame entre les croyances religieuses et les connaissances historiques. Par exemple, pour le judaïsme, les manuels présentent les patriarches comme des personnages historiques (dont l’existence n’est pas prouvée) autour desquels grandit un peuple endogène (alors qu’il s’est construit par métissages successifs pendant que s’élaborait une doctrine monothéiste). Pour le christianisme, la religion catholique est surreprésentée et est décrite comme celle du stade impérial du IV° siècle. Sa soi-disant continuité est renforcée par des iconographies décontextualisées. En utilisant des expressions telles que « les évangiles nous apprennent que.. » les manuels énoncent un fait confessionnel au détriment d’un savoir archéologique et historique. L’islam y semble moins arabo-centré qu’auparavant parce qu’on parle de monde musulman mais il reste présenté comme une religion conquérante. Le djihad, par exemple, qui est l’expression de l’effort du croyant et de la légitime défense, est traduit par guerre sainte.
La décentralisation, inaugurée le 17-03-03 par la modification de l’article 1 de la Constitution donne la possibilité aux régions de se doter de dispositions dérogatoires à la législation nationale. C’est la voie ouverte au renforcement des inégalités territoriales, à la privatisation des services publics et, pourquoi pas, au développement de statuts scolaires régionaux sur le modèle de l’Alsace et de la Moselle.
Tout ceci illustre les impatiences d’un gouvernement de « restauration » avide de revanches. C’est aussi, plus gravement, sa soumission à une idéologie mondialisée venue d’outre-Atlantique, celle du choc des civilisations.
La République laïque a vocation d’imposer une loi à tous dans la volonté de rassembler en une seule communauté tous ceux qui, indépendamment de leurs origines, œuvrent pour le bien commun. Le gouvernement, lui, mène une politique « laïque » de tolérance qui veut répondre à la question : « Comment faire coexister ces gens-là ? » C’est le modèle dominant venu des Etats-Unis de cohabitation inter communautaire. Il ne restera bientôt plus qu’à traduire en français : « In God we trust. » ! M. Sarkozy, lorsqu’il dit au Figaro le 18-09-03 que les synagogues, les temples, les églises et les mosquées peuvent être « des lieux de lumière » dans les banlieues, est très explicite. Lorsqu’il s’affiche pour la ségrégation positive sur le modèle des USA le 20-11-03 ou lorsqu’il bâtit le Conseil Français du Culte Musulman, il met en pratique cette profonde dérive.
Le débat sur les signes religieux est l’arbre qui cache la forêt : 20 cas difficiles et 4 exclusions cette année ! Il survient en pleine médiatisation des réflexes communautaires produits par les difficultés sociales d’une population d’origine maghrébine en demande de reconnaissance et par l’actualité du proche Orient. Il est clair que le débat et la force de conviction font plus lorsque le problème du voile se pose qu’une loi qui ne viserait qu’à stigmatiser une population et à remettre gravement en cause les fondements laïques de la République.

Michel Bonnard, 21-11-03


Dans une interview au Figaro du 18 septembre, Sarkozy déclarait à propos des banlieues: "Les seules valeurs qui règnent dans ces quartiers sont celles de l'argent facile, de la drogue et de la violence. Les banlieues, comme toutes les autres villes, ont besoin de "lieux de lumière", où l'on se rassemble et où l'on se respecte. Un endroit où les valeurs défendues sont celle de la vie et de l'espérance. Une synagogue, un temple, une église, une mosquée ont vocation à remplir cette fonction".
Commentaire du SNPDEN : "La laïcité de la république en prend là un rude coup. On peut par ailleurs s'inquiéter qu'un ministre ne place pas l'école ou une structure socioculturelle parmi "les lieux de lumières susceptibles d'éclairer les banlieues. Les personnels des établissements scolaires des zones difficiles qui sont souvent les derniers représentants du service public apprécieront."

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